Publié le 12 mars 2024

Le fret multimodal n’est pas une simple alternative au camionnage, c’est une refonte stratégique de la logistique pour contrer la pénurie de chauffeurs au Québec.

  • L’efficacité ne réside pas dans le choix d’un mode, mais dans la maîtrise des points de bascule (comme le seuil de 800 km) et l’arbitrage constant entre les options.
  • La performance de la chaîne dépend de la synchronisation parfaite aux terminaux, où une mauvaise planification peut anéantir tous les gains.

Recommandation : Auditez vos flux de transport réguliers de plus de 800 km pour identifier les candidats idéaux au ferroutage et initier un projet pilote.

La pénurie de chauffeurs de camion au Québec n’est plus une simple préoccupation, c’est une contrainte opérationnelle qui pèse sur chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises cherchent désespérément des solutions pour maintenir leurs flux de marchandises, et le transport multimodal est souvent présenté comme la réponse évidente. On vante ses mérites écologiques et ses économies potentielles sur les longues distances, mais ces généralités masquent une réalité bien plus complexe. La simple décision de mettre un conteneur sur un train ou un bateau ne garantit ni le succès ni la rentabilité.

La véritable clé ne réside pas dans l’adoption du multimodal, mais dans la capacité à l’architecturer. Cela signifie passer d’une logique de simple substitution du camion à une approche d’arbitrage logistique. Il faut comprendre les règles spécifiques, les contraintes des terminaux québécois, et les caractéristiques de chaque équipement pour concevoir une chaîne de transport résiliente et véritablement efficace. Il ne s’agit pas de remplacer le camion, mais de le redéployer là où il est irremplaçable : sur le premier et le dernier kilomètre.

Cet article n’est pas une énième apologie du transport intermodal. C’est un guide stratégique pour le logisticien québécois. Nous allons décortiquer les points de décision critiques, des terminaux du Port de Montréal aux vastes corridors de l’Ouest canadien, pour vous donner les outils nécessaires afin de transformer cette contrainte de main-d’œuvre en un véritable avantage concurrentiel.

Pour naviguer efficacement à travers les différentes facettes de cette stratégie, cet article est structuré pour vous guider pas à pas, des décisions macroéconomiques aux détails opérationnels qui font toute la différence.

Pourquoi utiliser le fleuve Saint-Laurent peut réduire vos coûts de 20% sur les charges lourdes ?

Pour les charges lourdes, denses ou hors normes, le fleuve Saint-Laurent représente un avantage concurrentiel souvent sous-exploité par les logisticiens québécois. L’argument principal est son efficacité énergétique spectaculaire. En effet, avec un seul litre de carburant, il est possible de transporter une tonne de fret sur 243 kilomètres par voie maritime, alors que le même litre ne permet de parcourir que 35 kilomètres par camion. Cet écart colossal se traduit directement par des économies de coûts de carburant significatives, qui peuvent atteindre et même dépasser 20% sur certains types de marchandises.

Le transport maritime sur l’axe du Saint-Laurent et des Grands Lacs est le pilier de plusieurs industries clés au Québec, notamment les alumineries, les papetières et le secteur agricole. Le trafic international représente déjà 75% du volume total qui transite par les ports québécois, mais le potentiel pour le transport domestique de vrac et de charges de projet reste immense. Penser « fluvial » pour des mouvements entre les régions périphériques et les grands centres permet non seulement de réduire les coûts, mais aussi de contourner la congestion routière et les contraintes de permis pour les convois exceptionnels.

L’arbitrage en faveur de la voie d’eau devient particulièrement pertinent pour des types de marchandises spécifiques. Il ne s’agit pas de remplacer le camion pour des livraisons urgentes, mais de planifier stratégiquement le mouvement des matières premières et des produits finis non périssables. Voici les catégories de produits pour lesquelles le transport fluvial est le plus optimisé au Québec :

  • Produits agricoles et alimentaires : Les grains en provenance de l’Ouest via Thunder Bay représentent une part importante des tonnages.
  • Carburants et produits chimiques : L’importation de pétrole brut vers les raffineries comme celle de Saint-Romuald est un flux constant.
  • Pâtes et produits du papier : Principalement issus des régions productrices comme la Côte-Nord ou le Saguenay.
  • Minerais et vrac solide : Le fer de Sept-Îles et Port-Cartier est massivement exporté par voie maritime.
  • Charges hors normes : Des équipements industriels lourds, des pièces d’éoliennes ou des transformateurs qui sont difficiles et coûteux à acheminer par la route.

Intégrer le Saint-Laurent dans votre planification logistique n’est pas une simple alternative, c’est un levier stratégique pour optimiser les coûts sur les segments les plus lourds de votre chaîne d’approvisionnement, tout en libérant des chauffeurs pour des tâches à plus haute valeur ajoutée.

Comment charger un conteneur pour qu’il passe du train au camion sans avarie ?

Un conteneur intermodal subit des contraintes physiques très différentes de celles d’une remorque routière. Les accélérations, les freinages brusques et surtout les chocs longitudinaux lors des manœuvres de triage dans les gares ferroviaires peuvent transformer un chargement mal arrimé en une perte totale. La clé du succès en multimodal est donc de charger le conteneur non pas pour un seul mode de transport, mais pour le plus exigeant de la chaîne : le rail. Le transport intermodal au Canada est un secteur en pleine croissance, avec plus de 3 millions de conteneurs transportés annuellement, et cette expansion rend la standardisation des méthodes de chargement encore plus cruciale.

L’intégrité du chargement repose sur deux principes fondamentaux : la répartition du poids et les techniques de calage et d’arrimage (blocking and bracing). Une charge mal répartie peut non seulement endommager la marchandise, mais aussi causer des problèmes de sécurité en déséquilibrant le conteneur lors de son levage ou en dépassant les limites de poids par essieu une fois sur le châssis du camion. Il est donc impératif de respecter les normes de poids établies par les compagnies ferroviaires comme le CN et le CP.

Pour visualiser l’importance de ces techniques, il faut imaginer l’intérieur du conteneur comme un jeu de Tetris où le vide est l’ennemi. Chaque espace libre est une invitation au mouvement et donc au dommage potentiel. Les professionnels utilisent des matériaux spécifiques pour combler ces vides et immobiliser la cargaison.

Vue en coupe d'un conteneur intermodal montrant les techniques professionnelles d'arrimage et de calage des marchandises avec airbags et bois de calage

Comme le montre cette illustration, l’utilisation combinée de sacs gonflables (airbags) et de bois de calage est essentielle. Les airbags sont parfaits pour absorber les chocs entre des palettes de taille uniforme, tandis que le bois est utilisé pour construire des structures rigides qui empêchent tout mouvement des marchandises de forme irrégulière. Chaque décision de chargement doit anticiper les multiples manipulations que le conteneur subira, du terminal de départ à la destination finale.

Plan d’action : Votre checklist de chargement pour le ferroutage CN/CP

  1. Vérification du poids : Valider que le poids total et sa répartition respectent les limites par essieu spécifiques aux normes du CN et du CP.
  2. Répartition de la charge : Centrer la charge uniformément sur le plancher du conteneur, en évitant de concentrer le poids sur un seul point.
  3. Installation des airbags : Placer des sacs gonflables certifiés pour le transport ferroviaire dans les espaces vides pour amortir les chocs longitudinaux.
  4. Utilisation du calage : Employer du bois de calage (dunnage) pour immobiliser fermement la marchandise contre les parois et le plancher, particulièrement aux extrémités.
  5. Documentation photographique : Prendre des photos détaillées du chargement une fois l’arrimage terminé et avant la fermeture des portes comme preuve en cas de litige.

Intermodal 53 pieds ou remorque routière : quel équipement pour le Montréal-Toronto ?

Le corridor Montréal-Toronto est l’artère économique du Canada, mais il représente un cas d’étude fascinant pour l’arbitrage modal. Avec une distance d’environ 550 km, il se situe bien en deçà du seuil de rentabilité théorique de 800 km pour le ferroutage. Pourtant, l’option intermodale y est non seulement viable, mais de plus en plus compétitive. La raison ne tient pas à la distance, mais à la densité et à la fréquence du trafic.

La saturation de l’autoroute 401, couplée à la pénurie de chauffeurs disponibles pour ce trajet répétitif, pousse les entreprises à reconsidérer leurs stratégies. Selon une analyse du transport de marchandises au Québec, la compétitivité du rail sur cet axe est renforcée par les connexions quotidiennes multiples offertes par le CN et le CP entre leurs terminaux de Montréal (Lachine) et de la grande région de Toronto (Vaughan, Brampton). Pour les expéditeurs ayant des volumes réguliers, le train offre une prévisibilité et une capacité que la route peine de plus en plus à garantir.

La décision stratégique repose alors sur le choix de l’équipement : utiliser un conteneur intermodal de 53 pieds ou une remorque routière standard de 53 pieds (RORO – Roll-on/Roll-off, aussi appelé « piggyback ») ? Le conteneur intermodal est conçu pour être levé et transféré d’un châssis routier à un wagon plat. Il est plus robuste, mais nécessite un équipement de levage aux terminaux. La remorque routière, quant à elle, est simplement tirée sur un wagon spécial, ce qui peut simplifier les opérations. Cependant, l’infrastructure pour les remorques est moins répandue et le conteneur offre plus de flexibilité pour être empilé et stocké.

Pour le corridor Montréal-Toronto, le conteneur de 53 pieds est généralement le choix privilégié pour sa standardisation et sa disponibilité. Il représente l’intelligence de l’équipement : une unité de charge qui peut naviguer fluidement à travers l’écosystème ferroviaire et routier. Le choix de la remorque peut être pertinent pour des flottes dédiées ou des marchandises spécifiques, mais le conteneur reste le standard de l’industrie qui maximise la compatibilité avec l’infrastructure existante.

L’erreur de timing aux terminaux ferroviaires qui fait rater vos rendez-vous de livraison

En transport multimodal, la ponctualité n’est pas seulement une vertu, c’est le pivot de toute l’opération. L’erreur la plus coûteuse n’est souvent pas commise sur la route ou sur les rails, mais à la porte du terminal ferroviaire. Un retard de quelques minutes pour déposer ou récupérer un conteneur peut entraîner une réaction en chaîne dévastatrice : un départ de train manqué, un report de 24 heures, des frais de stockage et, au final, un rendez-vous de livraison chez le client qui est complètement raté. C’est le principe de la synchronisation des terminaux.

Les terminaux intermodaux, comme ceux de Lachine à Montréal ou de Vaughan à Toronto, ne sont pas de simples parkings. Ce sont des plateformes logistiques hautement orchestrées qui fonctionnent avec des fenêtres de temps très strictes, appelées « cut-off times ». Le « cut-off » est l’heure limite à laquelle un conteneur doit être entré dans le terminal pour pouvoir partir sur un train donné. Manquer ce créneau signifie que le conteneur attendra le prochain train disponible, ce qui peut être le lendemain.

Ce défi est amplifié par les goulots d’étranglement capacitaires qui affectent l’ensemble du réseau nord-américain. Les ports et terminaux québécois font face à des flux croissants, et cette pression se répercute sur les opérations intermodales. Pour gérer ces volumes, les terminaux imposent des systèmes de rendez-vous stricts, non seulement pour déposer un conteneur (ingate) mais aussi pour le récupérer (outgate). Se présenter sans rendez-vous ou en dehors de son créneau est le plus souvent synonyme de refus d’accès.

La solution réside dans une planification proactive et une communication sans faille entre l’expéditeur, le transporteur routier (pour le drayage) et le terminal. Il ne suffit pas de savoir que le train part à 21h, il faut maîtriser l’ensemble du processus en amont :

  • Réserver le créneau : Utiliser les systèmes EDI ou les portails web du CN/CP pour réserver un rendez-vous de dépôt (ingate) bien à l’avance, idéalement 48 heures avant.
  • Anticiper le « cut-off » : Prévoir une marge de sécurité d’au moins deux heures avant l’heure limite pour pallier les imprévus (trafic, attente à la barrière).
  • Confirmer la disponibilité : Pour une récupération (outgate), vérifier 24 heures à l’avance que le conteneur a bien été déchargé du train et est prêt à être ramassé.
  • Utiliser le tracking : Suivre l’avancement du conteneur en temps réel via les outils des compagnies ferroviaires pour ajuster la planification du transporteur routier.

Quand passer au multimodal pour vos expéditions vers l’Ouest canadien ?

Pour les expéditions longue distance depuis le Québec vers l’Ouest canadien, la question n’est plus « faut-il utiliser le multimodal ? » mais « à partir de quel point est-ce une évidence ? ». La réponse stratégique se cristallise autour d’un point de bascule géographique et économique. Pour la plupart des marchandises générales, ce point de bascule se situe à Thunder Bay, en Ontario.

En deçà de cette zone, le transport routier peut encore rivaliser en termes de flexibilité et de coût total pour certains types de fret. Mais au-delà de Thunder Bay, pour des destinations comme Winnipeg, Calgary ou Vancouver, le ferroutage devient économiquement et opérationnellement supérieur dans la quasi-totalité des cas. La distance est telle que les coûts fixes du multimodal (drayage initial, levage, drayage final) sont largement amortis par le coût au kilomètre extrêmement bas du transport ferroviaire.

Passer au multimodal pour l’Ouest canadien est avant tout une décision stratégique pour contrer la pénurie de chauffeurs. Un trajet Montréal-Vancouver par camion monopolise une équipe de deux chauffeurs pendant près d’une semaine pour un aller simple. Utiliser le rail pour la portion principale du trajet libère cette ressource humaine critique pour des missions de distribution régionale à plus forte valeur ajoutée, à Montréal comme à Vancouver. C’est une manière d’optimiser l’utilisation de chaque heure de conduite disponible.

Le passage au multimodal devient donc impératif lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  • La distance de destination dépasse clairement le seuil de 800-1000 km.
  • Le volume d’expédition est régulier, permettant de négocier des tarifs avantageux et de planifier les flux.
  • La nature de la marchandise n’exige pas une livraison en « juste-à-temps » extrême, tolérant un transit de quelques jours supplémentaires par rapport à un camion en solo.
  • L’entreprise cherche activement à réduire son empreinte carbone et à améliorer la prévisibilité de ses coûts de transport, moins sensibles aux fluctuations hebdomadaires du diesel.

En somme, dès que vos flux logistiques pointent au-delà des Grands Lacs, l’arbitrage modal doit systématiquement et prioritairement intégrer le ferroutage comme solution de base, la route devenant l’exception pour les urgences absolues.

Pourquoi le ferroutage n’est-il rentable qu’à partir de 800 km de distance ?

Le seuil de rentabilité de 800 kilomètres souvent cité pour le ferroutage n’est pas un chiffre magique, mais le résultat d’une analyse économique de la structure de coûts de chaque mode de transport. Le transport routier et le transport ferroviaire n’ont pas du tout le même profil de dépenses. Comprendre cette différence est la base de tout arbitrage logistique intelligent. Le réseau ferroviaire canadien est colossal, comptant plus de 43 000 kilomètres de voies, une infrastructure conçue pour l’efficacité sur longue distance.

Le transport purement routier a une structure de coûts relativement simple : des coûts fixes bas (le camion vient à votre porte) et un coût au kilomètre quasi linéaire, directement lié à la consommation de carburant, au salaire du chauffeur et à l’entretien du véhicule. Le ferroutage, lui, a un profil inverse : des coûts fixes initiaux élevés et un coût au kilomètre très faible.

Les coûts fixes du ferroutage incluent au minimum :

  1. Le premier drayage : le transport par camion du point d’origine au terminal ferroviaire.
  2. Le premier levage (lift) : la manutention pour transférer le conteneur du châssis du camion au wagon.
  3. Le deuxième levage : la manutention au terminal de destination pour transférer le conteneur sur un autre châssis.
  4. Le dernier drayage : le transport par camion du terminal de destination au point de livraison final.

C’est ce « forfait » de départ qui rend le ferroutage non compétitif sur de courtes distances. Cependant, une fois le conteneur sur le train, le coût pour chaque kilomètre supplémentaire est très bas. Le point où la courbe de coût du ferroutage croise et devient inférieure à celle du transport routier est le fameux point de rentabilité, généralement situé entre 800 et 1000 kilomètres.

Le tableau suivant, basé sur une analyse comparative des structures de coûts, illustre bien cette dynamique. Il met en évidence les facteurs qui rendent chaque mode plus ou moins attractif selon la distance et le contexte.

Structure de coûts : Ferroutage vs Transport routier
Composante de coût Ferroutage Transport Routier
Coûts fixes initiaux Élevés (2 drayages + 2 levages) Faibles (départ direct)
Coût au kilomètre Très bas après 500 km Linéaire constant
Point de rentabilité 800-1000 km généralement Compétitif sur courtes distances
Sensibilité au diesel Faible (seulement drayage) Forte (100% du trajet)
Prévisibilité tarifaire Stable sur 6-12 mois Variable (hebdomadaire)

Pourquoi l’absence de réservation au terminal Cast ou Racine bloque-t-elle votre livraison ?

Si les terminaux ferroviaires sont les articulations du transport domestique, les terminaux maritimes comme Cast et Racine au Port de Montréal sont le cœur de la connexion du Québec au commerce mondial. L’erreur est de croire que les règles qui s’appliquent aux terminaux CN ou CP de Lachine sont les mêmes que celles des terminaux portuaires. Il s’agit de deux écosystèmes distincts avec des contraintes propres. Ne pas comprendre cette distinction peut bloquer une livraison avant même qu’elle n’ait commencé.

Les terminaux Cast et Racine sont l’interface directe entre les navires océaniques et le réseau terrestre (rail et route). En raison des volumes massifs et de la complexité des opérations de déchargement des navires, ces terminaux fonctionnent sur un système de rendez-vous obligatoire et strictement appliqué. Contrairement à un terminal domestique où une certaine flexibilité peut parfois exister, ici, la règle est simple : pas de rendez-vous, pas d’accès. Un camion qui se présente à la barrière sans réservation validée dans le système informatique du port sera systématiquement refusé.

Ce refus n’est pas une simple contrariété. Il déclenche une cascade de problèmes : le camion doit repartir, des frais de « dry run » (voyage à vide) sont facturés, et il faut trouver un nouveau créneau, ce qui peut prendre 24 à 48 heures en période de pointe. Pendant ce temps, le conteneur immobilisé au port peut engendrer des frais de détention (demurrage). La fluidité de la chaîne d’approvisionnement est complètement rompue à cause d’une seule erreur administrative.

Le défi pour le logisticien est donc de coordonner parfaitement trois acteurs : la compagnie maritime (qui annonce la disponibilité du conteneur), le terminal portuaire (qui gère les rendez-vous) et le transporteur routier (qui doit se présenter dans le créneau imparti). La gestion de l’information via les plateformes EDI et les portails web devient alors une compétence aussi critique que la négociation des tarifs de fret.

À retenir

  • Le seuil de 800 km est le principal indicateur pour évaluer la pertinence du ferroutage, mais des exceptions existent sur des corridors denses comme Montréal-Toronto.
  • La performance d’une chaîne multimodale ne dépend pas tant de la vitesse du train que de la synchronisation parfaite des rendez-vous aux terminaux.
  • Le fleuve Saint-Laurent est un levier de réduction des coûts majeur pour les marchandises lourdes et le vrac, libérant des camions pour d’autres missions.

Comment réduire vos coûts de transport de 20% sur l’axe Est-Ouest grâce au ferroutage ?

Réduire les coûts de transport sur les grands axes canadiens tout en faisant face à la pénurie de chauffeurs semble être une équation impossible. Pourtant, une stratégie de ferroutage bien architecturée permet non seulement de résoudre cette équation, mais aussi de dégager des économies substantielles, souvent de l’ordre de 15 à 20% sur les corridors longue distance. Le gain ne vient pas d’une astuce magique, mais d’une réaffectation intelligente des ressources.

L’utilisation du rail pour la longue portion du trajet Est-Ouest permet de redéployer la ressource la plus rare et la plus coûteuse – les chauffeurs et leurs camions – sur les segments où ils sont indispensables : les collectes et livraisons locales et régionales. Le corridor des Grands Lacs et du Saint-Laurent, au cœur de la troisième économie mondiale, est parfaitement desservi par les réseaux du CN et du CP, qui ont fait de l’intermodal une priorité stratégique. En confiant la longue distance au train, une entreprise québécoise peut maintenir sa capacité de service malgré un nombre réduit de chauffeurs disponibles pour les trajets transcanadiens.

Au-delà de la main-d’œuvre, les économies proviennent de l’efficacité énergétique intrinsèque du rail et d’une moindre exposition à la volatilité des prix du diesel. De plus, le transport ferroviaire génère significativement moins d’émissions de gaz à effet de serre par tonne-kilomètre que le camion, un argument de plus en plus valorisé par les clients finaux et les politiques RSE des entreprises.

La mise en œuvre d’une telle stratégie nécessite une vision d’ensemble du réseau canadien, où les différents modes de transport ne sont plus en concurrence mais en collaboration. La carte stratégique du transport au Canada n’est plus une simple carte routière, mais une superposition de réseaux qu’il faut savoir orchestrer.

Carte stratégique du Canada montrant les zones d'efficacité du ferroutage avec Thunder Bay comme point de bascule entre transport routier et ferroviaire

Cette vision permet d’identifier les points de bascule naturels, comme la région de Thunder Bay, et de concevoir des chaînes logistiques où chaque mode est utilisé pour ce qu’il fait de mieux. C’est l’essence même de l’architecture de solutions multimodales : non pas subir les contraintes, mais les utiliser pour bâtir un avantage concurrentiel durable.

Cette approche globale est le fondement qui permet de transformer le ferroutage en un puissant levier d'économies sur l'axe Est-Ouest.

Pour transformer ces stratégies en avantage concurrentiel, commencez par une analyse de vos corridors de transport afin d’identifier les opportunités d’arbitrage modal les plus rentables pour votre entreprise.

Questions fréquentes sur le fret multimodal au Québec

Quelle est la différence entre les terminaux Cast/Racine et les terminaux ferroviaires?

Cast et Racine sont des terminaux maritimes situés dans le Port de Montréal, principalement dédiés au transfert des conteneurs entre les navires et le réseau terrestre (camions ou trains). Leur principale fonction est de gérer le fret international. Les terminaux ferroviaires, comme ceux du CN ou du CP, gèrent quant à eux le fret domestique et intercontinental qui circule sur le réseau ferré nord-américain.

Combien de temps à l’avance faut-il réserver aux terminaux du Port de Montréal?

La prise de rendez-vous est obligatoire et les créneaux doivent généralement être réservés entre 24 et 48 heures à l’avance via le système informatique du terminal. Ce délai peut varier en fonction du volume de trafic, de la saison et du terminal spécifique (Cast ou Racine).

Que faire si mon transporteur arrive sans rendez-vous au terminal?

Sans un rendez-vous valide, l’accès au terminal sera systématiquement refusé au camion. Le transporteur devra quitter les lieux et prendre un nouveau rendez-vous pour le prochain créneau disponible. Cette situation entraîne inévitablement des retards de livraison et des coûts supplémentaires, tels que des frais pour le trajet à vide et potentiellement des frais de détention pour le conteneur.

Rédigé par Marc-André St-Pierre, Gestionnaire logistique multimodal, expert en transport maritime et ferroviaire sur l'axe du Saint-Laurent. Il optimise les flux de vrac et de conteneurs pour les grandes industries depuis 22 ans.