Publié le 27 mars 2024

Contrairement à la croyance populaire, le principal risque financier de l’exportation internationale pour une PME québécoise n’est pas le coût du transport, mais la paralysie du fonds de roulement causée par des détails logistiques jugés mineurs.

  • Une simple erreur sur un connaissement peut invalider une lettre de crédit et bloquer un paiement de plusieurs centaines de milliers de dollars.
  • Le choix d’un partenaire logistique doit se fonder sur sa capacité à gérer les crises locales (en Asie, en Europe) plutôt que sur sa taille globale.

Recommandation : Traitez chaque document et chaque étape logistique non comme une formalité administrative, mais comme un maillon critique de votre gestion de trésorerie. L’obsession du détail est votre meilleure assurance.

Pour un entrepreneur québécois ambitieux, le marché américain est un terrain de jeu familier. Mais lorsque l’horizon s’élargit vers l’Europe ou l’Asie, les règles changent brutalement. Vous avez un produit exceptionnel, un acheteur enthousiaste à Shanghai ou à Hambourg, et pourtant, votre expansion de rêve peut rapidement tourner au cauchemar financier. La conversation habituelle sur l’export se concentre sur les grandes stratégies : trouver des distributeurs, adapter le marketing, négocier les prix. Ce sont des conseils valables, mais ils occultent une vérité plus brutale, une vérité que seuls les transitaires voient au quotidien.

Le véritable danger qui guette votre PME n’est pas sur le marché, il est dans le conteneur. Il est dans la ligne 12 d’un document, dans le bois d’une palette, dans le choix d’un partenaire logistique qui semble parfait sur le papier. Les conseils génériques vous diront de « bien planifier » ou « d’assurer votre marchandise ». C’est insuffisant. Ces platitudes ignorent la dynamique fondamentale du commerce international : la vitesse de votre cash-flow est directement proportionnelle à la fluidité de votre chaîne logistique.

Mais si la clé n’était pas de simplement ajouter une assurance, mais de comprendre l’angle mort de la responsabilité du transporteur ? Et si, au lieu de choisir le plus grand nom, vous choisissiez le partenaire capable d’un arbitrage de crise efficace à des milliers de kilomètres ? Cet article ne vous donnera pas de recette magique. Il vous livrera une perspective de transitaire. Nous allons décortiquer les points de friction méconnus qui gèlent la trésorerie et transformer votre vision de la logistique : d’un centre de coût inévitable à un levier stratégique pour votre croissance internationale.

Pour vous offrir un aperçu concret des enjeux de l’exportation au Québec, l’entrevue suivante avec une experte du domaine offre des perspectives de terrain précieuses sur l’accompagnement des entreprises locales à l’international.

Cet article est structuré pour vous guider à travers les huit points de défaillance les plus critiques que nous observons. Chaque section aborde un risque spécifique, non pas de manière théorique, mais en se concentrant sur son impact direct sur votre fonds de roulement et en vous donnant des clés concrètes, adaptées à la réalité d’une PME québécoise.

Transitaire local ou multinationale : qui défendra le mieux vos intérêts en cas de crise en Chine ?

L’attrait pour les marchés lointains n’est plus une simple option, c’est une réalité croissante pour l’économie québécoise. Pour preuve, on observe une hausse de 28,7% des exportations québécoises vers la Chine rien qu’au premier semestre 2025. Face à cette croissance, la question du choix du partenaire logistique devient centrale. Une multinationale du transport semble offrir la sécurité d’un réseau mondial et d’une force de négociation. Mais que se passe-t-il lorsque votre conteneur est bloqué dans un port congestionné comme Shanghai, en pleine semaine précédant le Nouvel An chinois ? Pour une multinationale, votre envoi est une ligne parmi des milliers. Pour un transitaire québécois de proximité, votre entreprise est un partenaire stratégique.

La différence fondamentale réside dans ce que j’appelle l’arbitrage de crise. Un partenaire local, dont le succès dépend de la réussite de ses clients québécois, aura une approche beaucoup plus proactive. Il ne se contentera pas d’un email automatisé vous informant du retard. Il activera son réseau d’agents locaux — des personnes qu’il connaît personnellement — pour trouver des solutions alternatives : un autre port, un mode de transport combiné, ou une négociation directe avec les autorités portuaires. Cette connaissance intime du terrain et des acteurs est un avantage concurrentiel inestimable.

Étude de cas : L’approche locale de Groupe Transit

Une entreprise comme Groupe Transit, un transitaire québécois, illustre parfaitement cette philosophie. Née de l’expérience de vétérans de l’industrie alimentaire, leur approche est ancrée dans la réalité des PME d’ici. Leur connaissance approfondie du marché québécois et de ses défis spécifiques leur permet d’offrir une couverture comme TransitGO qui permet aux PME de se concentrer sur leur métier. Cette expertise locale assure une tranquillité d’esprit qu’un géant mondial, malgré ses ressources, peine souvent à fournir, car il lui manque cette compréhension fine des enjeux spécifiques à une PME exportant depuis le Québec.

Le choix ne se résume pas à « grand vs petit ». Il s’agit de savoir qui se battra réellement pour vous lorsque les choses tournent mal. La capacité d’un transitaire à résoudre un problème complexe à 10 000 km de distance a un impact direct sur votre trésorerie, en évitant des jours, voire des semaines, d’immobilisation de votre marchandise et de votre capital.

Votre plan d’action : auditer la capacité de crise de votre transitaire

  1. Simulation de crise : Demandez-lui de décrire concrètement son protocole d’urgence en cas de congestion au Port de Montréal ou de blocage douanier en Chine.
  2. Vérification du réseau local : Exigez de savoir s’il dispose d’agents locaux parlant la langue du pays (mandarin, allemand, etc.) ET le français ou l’anglais, et quels sont leurs pouvoirs de décision.
  3. Analyse des communications : Quel est son processus de communication avec l’ASFC pour accélérer les dédouanements ? Comment serez-vous informé en cas de problème, et à quelle fréquence ?
  4. Mesure de la performance : Demandez son délai moyen de résolution pour un problème typique (ex: divergence documentaire) sur l’axe commercial qui vous intéresse.
  5. Références clients : Parlez à d’autres PME québécoises qui utilisent ses services pour les mêmes destinations et interrogez-les sur leur expérience lors d’une perturbation.

Pourquoi une erreur d’une lettre sur votre connaissement (B/L) peut bloquer votre paiement bancaire ?

Dans le monde du commerce international, le connaissement maritime (Bill of Lading ou B/L) n’est pas un simple reçu. C’est un titre de propriété de la marchandise. Pour une PME qui sécurise ses transactions via une lettre de crédit (L/C), ce document devient le pivot de toute l’opération financière. La banque de votre client ne paiera que si les documents présentés sont en stricte conformité avec les termes de la L/C. Une seule lettre de différence entre l’adresse sur le B/L et celle sur la L/C, une coquille dans le nom du produit, et la banque a le droit de refuser le paiement. C’est ce que l’on nomme la « friction documentaire ».

Cette obsession du détail peut sembler archaïque à l’ère du numérique, mais elle est la pierre angulaire de la sécurité financière internationale. Pour la banque, les documents SONT la marchandise. Elle ne voit pas vos produits, elle ne voit que du papier. La moindre divergence est interprétée comme un risque. Le résultat ? Votre paiement est gelé. Votre cash-flow, qui devait être sécurisé par la L/C, est bloqué. Vous devez alors entrer dans un cycle de corrections, de négociations avec votre client et les banques, perdant un temps précieux et engageant des frais supplémentaires.

Gros plan sur des mains vérifiant méticuleusement un document maritime avec une loupe, environnement de bureau professionnel

La gravité de cette situation est souvent sous-estimée. Comme le souligne le Service des délégués commerciaux du Canada dans son guide, le risque est total :

En cas de divergence, et si vous ne satisfaites pas aux conditions de la lettre de crédit parce que vous n’avez pas tenu compte des différences, la lettre de crédit peut être déclarée nulle et vous risquez de ne pas être payé.

– Service des délégués commerciaux du Canada, Guide pas-à-pas à l’exportation – Étape 8

Heureusement, pour les PME québécoises, des alternatives et des soutiens existent. Des organismes comme Exportation et développement Canada (EDC) proposent des solutions plus flexibles que les lettres de crédit traditionnelles, conçues pour les réalités des exportateurs canadiens.

Lettres de crédit vs Solutions EDC pour PME québécoises
Critère Lettre de crédit traditionnelle Solutions EDC
Conformité documentaire Stricte – Moindre erreur = blocage Plus flexible avec accompagnement
Coût pour PME 3-5% de la valeur Variable selon crédit rating
Délai de traitement 5-10 jours ouvrables 5 jours réponse initiale
Couverture maximale 100% si confirmée Jusqu’à 25M USD (EGP)
Avantage principal Sécurité totale si parfaite Flexibilité et accompagnement local

Avarie commune : l’erreur de croire que la responsabilité du transporteur couvre la valeur de votre marchandise

Voici l’un des malentendus les plus coûteux en transport maritime. Lorsqu’un événement exceptionnel survient en mer (incendie, tempête majeure, échouement) et que le capitaine doit volontairement sacrifier une partie de la cargaison pour sauver le navire et le reste du voyage, on déclare une « avarie commune ». Dans ce cas, tous les propriétaires de marchandises à bord, même ceux dont les biens sont intacts, doivent contribuer financièrement aux pertes de ceux dont la cargaison a été sacrifiée. C’est un principe de solidarité maritime vieux de plusieurs siècles. Votre marchandise peut arriver à bon port, mais être retenue jusqu’à ce que vous ayez payé votre part de la caution. Un véritable choc pour le cash-flow.

Pire encore est la fausse croyance concernant la responsabilité du transporteur en cas de perte ou de dommage. La plupart des entrepreneurs pensent que si le transporteur perd leur marchandise, il leur remboursera sa valeur. C’est faux. Les conventions internationales (comme les Règles de La Haye-Visby) limitent la responsabilité du transporteur à un montant forfaitaire, souvent basé sur le poids de la marchandise (environ 2-3$ US par kilo). Si vous expédiez des microprocesseurs valant 500 000$ et pesant 100 kg, vous pourriez n’être indemnisé que de quelques centaines de dollars. C’est ce que j’appelle l’angle mort de la responsabilité.

Cet écart abyssal entre la valeur réelle de vos biens et l’indemnisation légale peut anéantir une PME. La seule protection est une assurance cargo « ad valorem » (basée sur la valeur), qui couvre la pleine valeur de votre facture commerciale. Ne pas la souscrire, c’est jouer à la roulette russe avec votre bilan. Au-delà de l’assurance cargo, les exportateurs canadiens peuvent aussi sécuriser leurs créances avec des outils financiers spécifiques. Par exemple, des programmes gouvernementaux permettent d’obtenir jusqu’à 90% de couverture sur les pertes assurées avec l’Assurance comptes clients d’EDC, protégeant ainsi votre entreprise contre le non-paiement de vos clients étrangers et renforçant votre position auprès des banques.

Comprendre cette nuance n’est pas une option, c’est un prérequis fondamental pour exporter sereinement. Le coût d’une bonne assurance est marginal par rapport au risque de tout perdre. Il ne s’agit pas d’une dépense, mais d’un investissement stratégique dans la continuité de vos opérations et la protection de votre trésorerie.

Bois traité (NIMP 15) ou plastique : quel matériau pour éviter le rejet phytosanitaire en Europe ?

Le choix d’une palette peut sembler trivial. Pourtant, cette décision a un impact direct sur vos coûts, vos délais et votre risque de voir une cargaison entière rejetée à la frontière européenne. Le bois, abondant et économique au Québec, est soumis à la norme internationale NIMP 15 (ISPM 15). Cette norme exige que tout emballage en bois soit traité (à la chaleur ou par fumigation) pour éliminer les organismes nuisibles et porte une estampille de certification visible. Une estampille illisible, mal placée ou absente sur du bois canadien déclenche une alerte rouge pour les douanes européennes, particulièrement vigilantes.

Le coût d’une estampille illisible au port d’Anvers

L’expérience de terrain, comme le rapporte des experts en emballage tels qu’Europack, montre qu’une simple suspicion sur une palette au port d’Anvers peut entraîner une inspection approfondie. Le conteneur est mis de côté, générant des coûts de stockage de 200 à 500€ par jour et des retards de 5 à 10 jours ouvrables. Pour une PME, ce blocage inattendu est un coup dur pour le cash-flow et la relation client. L’utilisation de techniques d’emballage adaptées au pays de destination, comme le souligne Europack pour les envois depuis le Québec, est donc non négociable.

Face à ce risque, la palette en plastique semble être la solution parfaite : exempte de la norme NIMP 15, plus durable et hygiénique. Cependant, la décision n’est pas si simple. Le plastique est plus cher à l’achat, moins disponible localement au Québec, et son avenir est incertain face au « Green Deal » européen qui pourrait taxer ou restreindre certains plastiques à usage unique. L’arbitrage doit donc se faire en fonction de la nature de votre produit, de votre budget et de votre stratégie à long terme.

Analyse coût-bénéfice palettes NIMP 15 vs plastique pour un exportateur québécois
Critère Palettes bois NIMP 15 Palettes plastique
Coût unitaire (Québec) 25-40 CAD 80-150 CAD
Impact poids volumétrique 15-25 kg/palette 18-30 kg/palette
Conformité Europe actuelle Accepté avec certification Accepté sans restriction
Futur Green Deal EU Avantagé si forêts durables Potentielles restrictions
Disponibilité Québec Excellente (scieries locales) Limitée (importation)
Durée de vie 2-3 ans 5-10 ans

Pour des produits de grande valeur ou des industries avec des normes d’hygiène strictes (pharmaceutique, alimentaire), l’investissement dans le plastique peut se justifier pour éliminer tout risque phytosanitaire. Pour d’autres, s’assurer de travailler avec un fournisseur de palettes en bois certifié et fiable au Québec reste la solution la plus rentable, à condition de vérifier chaque estampille avant l’expédition.

Quand commander vos stocks de Noël sachant que le transit depuis l’Asie prend 45 jours + 15 jours de retard ?

Pour un importateur québécois, la saison des Fêtes se prépare en plein cœur de l’été. L’erreur la plus commune est de baser sa planification sur les délais de transit « optimistes » fournis par les transporteurs. Un transit maritime standard depuis l’Asie vers le Port de Montréal est annoncé à environ 45 jours. Cependant, un transitaire expérimenté sait que ce chiffre est une base, pas une garantie. Il faut impérativement y ajouter une marge de sécurité d’au moins 15 à 20 jours.

Pourquoi ? Les retards sont la norme, pas l’exception. Ils peuvent être causés par une multitude de facteurs : congestion portuaire au départ, conditions météorologiques défavorables, inspections douanières aléatoires à l’arrivée par l’ASFC, ou encore les « blank sailings » où les compagnies maritimes annulent une escale pour optimiser leurs navires. Ignorer cette réalité, c’est risquer de recevoir ses produits de Noël mi-janvier, transformant un profit potentiel en un stock invendable et un désastre pour la trésorerie.

Une planification rigoureuse n’est donc pas un luxe, c’est une nécessité. Un rétroplanning réaliste pour une PME québécoise qui s’approvisionne en Asie pour la saison des Fêtes devrait ressembler à ceci :

  1. Février-Mars : Finalisation des designs et spécifications produits. C’est l’étape cruciale car elle doit tenir compte des fermetures d’usines pour le Nouvel An chinois.
  2. Avril-Mai : Passage des commandes principales auprès de vos fournisseurs. La production prend généralement entre 30 et 45 jours.
  3. Juin-Juillet : Expédition maritime depuis l’Asie. C’est ici qu’il faut calculer une fenêtre de 45 à 60 jours, incluant votre marge de sécurité.
  4. Août-Septembre : Arrivée au Port de Montréal et dédouanement par l’ASFC. Prévoyez de 5 à 10 jours ouvrables pour cette étape.
  5. Septembre-Octobre : Distribution vers vos entrepôts ou centres régionaux au Québec (par exemple, vers le Saguenay ou l’Abitibi), ce qui peut prendre 3 à 5 jours supplémentaires.
  6. Novembre : Votre stock de sécurité est en place. Vous avez encore une petite fenêtre pour des ajustements de dernière minute par fret aérien, beaucoup plus coûteux mais rapide.

Cette approche disciplinée vous permet de transformer l’incertitude logistique en un risque maîtrisé, assurant que vos produits sont sur les tablettes au moment où vos clients les cherchent, et non bloqués dans un conteneur au milieu du Pacifique.

Pourquoi dépendre d’un seul fournisseur asiatique est un risque mortel pour votre PME ?

La concentration du risque est l’ennemi silencieux de la PME exportatrice. Une étude économique commandée par Commerce International Québec a révélé un chiffre alarmant : 71,8% des entreprises exportatrices québécoises n’exportent que vers un seul pays. La même logique s’applique souvent à l’approvisionnement : une dépendance excessive à un unique fournisseur, souvent en Chine. Cette stratégie, bien que simple en apparence, expose votre entreprise à des chocs brutaux : tensions géopolitiques, nouvelles pandémies, flambée des droits de douane, ou simplement la faillite de votre fournisseur. Quand votre unique source d’approvisionnement se tarit, c’est toute votre activité qui s’arrête.

La diversification n’est pas seulement une stratégie de croissance, c’est une police d’assurance. Adopter une stratégie « Chine +1 » ou « +2 » en identifiant des fournisseurs dans d’autres pays comme le Vietnam, la Thaïlande, ou même le Mexique, permet de répartir le risque et d’augmenter votre résilience. Le Vietnam, par exemple, est membre du PTPGP (Partenariat transpacifique global et progressiste), offrant des avantages tarifaires aux importateurs canadiens. Le Mexique, via l’ACEUM, offre une proximité géographique réduisant considérablement les délais de transit (25-30 jours vers Montréal contre 45-60 jours depuis la Chine).

L’effort de diversification peut sembler intimidant, mais ses bénéfices sont considérables. Au-delà de la sécurité, cela ouvre la porte à l’innovation, à de nouvelles compétences et à une meilleure compétitivité. Des organismes comme Investissement Québec International sont spécifiquement dédiés à aider les PME dans cette démarche, en offrant un accompagnement stratégique pour identifier des opportunités d’affaires à l’étranger. Le gain potentiel est immense. Une étude a même révélé que la valeur moyenne des exportations d’une PME peut quintupler avec l’ajout d’un seul nouveau marché. La diversification transforme un risque mortel en un puissant moteur de croissance.

Le plus grand risque est souvent celui que l’on choisit d’ignorer. Pour une PME québécoise, mettre tous ses œufs dans le même panier asiatique est un pari que peu peuvent se permettre de perdre. La question n’est pas de savoir si une perturbation se produira, mais quand.

Comment obtenir une visibilité temps réel sur vos stocks en transit maritime et aérien ?

L’un des plus grands facteurs de stress pour un importateur est l’incertitude. Où se trouve ma marchandise ? Sera-t-elle à l’heure ? Ce manque de visibilité vous oblige à constituer des stocks de sécurité coûteux, qui pèsent lourdement sur votre fonds de roulement. Heureusement, la technologie a transformé le suivi logistique. Obtenir une visibilité en temps réel n’est plus un luxe réservé aux multinationales. Des solutions existent pour tous les budgets de PME.

L’objectif est de passer d’un suivi réactif (appeler son transitaire pour demander où est le conteneur) à une visibilité proactive. Savoir qu’un navire a deux jours de retard vous permet d’ajuster votre production, de prévenir votre client et de réallouer vos ressources, transformant une mauvaise surprise en un événement gérable. L’impact sur la satisfaction client et l’optimisation des stocks est direct, avec un retour sur investissement souvent rapide (réduction de 15-20% des stocks de sécurité, amélioration de 25% de la satisfaction client).

Centre de contrôle logistique moderne avec multiples écrans affichant des cartes et graphiques

Voici un aperçu des options disponibles pour une PME québécoise, classées par niveau d’investissement :

  • Budget 0$ : Les portails de suivi gratuits des grandes compagnies maritimes ou de votre transitaire offrent un tracking de base. C’est mieux que rien, mais souvent limité et peu intégré.
  • Budget < 500$/mois : Des solutions SaaS (Software as a Service) d’entrée de gamme comme Project44 Lite ou Shippeo Start commencent à agréger les données de plusieurs transporteurs sur une seule interface.
  • Budget 500-2000$/mois : Des plateformes plus intégrées (FourKites, Transporeon) offrent des analyses prédictives, des ETA (Estimated Time of Arrival) plus précises et des alertes automatisées.
  • Budget > 2000$/mois : Les solutions « enterprise » proposent une intégration complète avec votre système ERP, des API personnalisées et une visibilité de bout en bout, du fournisseur à l’entrepôt.

La visibilité a également un impact direct sur votre financement. Comme le rappelle EDC, une bonne gestion de vos créances, facilitée par une visibilité accrue, peut débloquer des fonds :

L’assurance comptes clients d’EDC permet aux institutions financières de prêter jusqu’à 90% de la valeur des factures assurées, augmentant potentiellement votre accès au fonds de roulement.

– EDC – Exportation et développement Canada, Programme d’assurance crédit commercial

Investir dans la visibilité, c’est investir dans le contrôle de votre entreprise et la vélocité de votre cash.

À retenir

  • Le succès de votre export international dépend moins du coût du fret que de la maîtrise obsessionnelle des détails documentaires qui protègent votre trésorerie.
  • Votre transitaire n’est pas un simple fournisseur de transport ; c’est un partenaire stratégique dont la valeur se mesure à sa capacité à résoudre les crises sur le terrain, loin du Québec.
  • Des outils et partenaires spécifiquement canadiens et québécois (EDC, Investissement Québec International) sont des alliés essentiels pour mitiger les risques financiers et stratégiques de l’expansion mondiale.

Comment naviguer les règles du commerce nord-américain (ACEUM) pour éviter les blocages logistiques ?

Pour une PME québécoise, l’ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique) est le cadre de référence. Vous en maîtrisez les rouages, la documentation simplifiée, les règles d’origine. C’est cette familiarité qui peut devenir un piège lorsque vous vous tournez vers l’Europe (AECG) ou l’Asie. Appliquer la « logique ACEUM » à un envoi vers l’Europe est une erreur fréquente qui entraîne retards et coûts imprévus. Les règles d’origine, la documentation requise et même la culture des inspections douanières sont radicalement différentes.

Un exemple flagrant est le « piège de la triangulation ». Il peut sembler astucieux de faire transiter des marchandises achetées en Asie par les États-Unis pour bénéficier de tarifs de transport consolidés. Cependant, cette manœuvre peut vous faire perdre les avantages tarifaires d’accords comme le PTPGP (avec le Vietnam, par exemple) et vous exposer à de potentiels doubles droits de douane. Une PME de Sherbrooke en a fait l’amère expérience : en faisant transiter des composants vietnamiens via Detroit, elle a fini par payer 18% de droits de douane supplémentaires, anéantissant sa marge, alors qu’une importation directe au Canada aurait été exempte de droits.

Comprendre les différences fondamentales entre les grands accords commerciaux est donc essentiel. Chaque zone a ses propres subtilités qu’il faut maîtriser pour optimiser sa chaîne logistique et protéger son cash-flow.

Différences clés ACEUM vs AECG pour les exportateurs québécois
Critère ACEUM (Amérique du Nord) AECG (Europe)
Règles d’origine Jusqu’à 75% de contenu régional requis pour l’automobile 50-55% de valeur ajoutée en moyenne
Documentation Certificat d’origine simplifié Déclaration sur facture ou certificat EUR.1 plus complexe
Culture douanière Focalisée sur la sécurité et la rapidité Focalisée sur la conformité fiscale et réglementaire (TVA, normes)
Inspection douanière 5-10% des envois en moyenne 15-25% des envois en moyenne
Support local Québec Fort (proximité, même fuseau horaire) Modéré (décalage horaire important)

Maîtriser ces nuances est la dernière étape pour sécuriser votre expansion internationale. Cela vous permet non seulement d’éviter les pénalités coûteuses, mais aussi de structurer vos flux de marchandises de la manière la plus efficace possible. Chaque accord commercial est un outil ; savoir utiliser le bon outil pour le bon travail est la marque d’un exportateur aguerri.

Pour transformer ces complexités en avantages compétitifs, il est crucial de bien saisir les nuances entre les différents accords commerciaux.

Votre expansion internationale est un projet stratégique trop important pour être mis en péril par un détail logistique. Pour auditer votre chaîne d’approvisionnement actuelle et identifier les risques cachés qui menacent votre trésorerie, l’étape suivante consiste à obtenir une analyse personnalisée par un expert qui comprend la réalité des PME québécoises.

Rédigé par Isabelle Tremblay, Stratège en chaîne d'approvisionnement et courtière en douane certifiée (SSCD), spécialisée dans les échanges commerciaux Canada-USA et la gestion des risques internationaux. Elle cumule 18 ans d'expérience en import-export.