Publié le 12 mars 2024

La pérennité financière des transports collectifs québécois ne se jouera pas sur l’obtention de subventions supplémentaires, mais sur la capacité à opérer un virage stratégique vers l’optimisation des coûts et l’activation de revenus autonomes.

  • Les modèles de financement traditionnels, trop dépendants des revenus tarifaires et des subventions, ont atteint leurs limites structurelles.
  • Des leviers comme la captation de la plus-value foncière et la refonte des réseaux pour s’adapter aux nouvelles géographies du télétravail sont des pistes d’action immédiates.

Recommandation : Auditer la structure tarifaire pour simplifier l’accès et évaluer l’adéquation du réseau actuel aux nouveaux pôles de déplacement post-pandémiques.

La situation financière des sociétés de transport collectif au Québec présente un paradoxe troublant. Malgré un retour progressif des usagers, les déficits d’exploitation persistent et menacent la qualité même du service. Face à cette réalité, la réponse instinctive consiste souvent à réclamer une augmentation des subventions gouvernementales. Cette approche, bien que nécessaire à court terme, masque une vérité plus fondamentale : le modèle de financement et de gestion hérité de l’ère pré-pandémique est structurellement dépassé. Les changements profonds dans les habitudes de déplacement, notamment l’ancrage du télétravail, exigent plus qu’un simple soutien financier ; ils appellent une révision en profondeur de nos stratégies.

Mais si la véritable clé n’était pas seulement de trouver plus d’argent, mais de repenser la manière dont les ressources sont allouées et dont de nouvelles sources de revenus autonomes sont générées ? La survie et, plus important encore, la croissance de nos réseaux de transport public dépendent de notre capacité à passer d’une logique de gestion de la pénurie à une vision d’optimisation stratégique. Il s’agit d’opérer des arbitrages audacieux, de simplifier l’expérience usager pour la rendre concurrentielle face à l’automobile et d’adapter l’offre à une demande qui ne se concentre plus uniquement sur les déplacements pendulaires vers les centres-villes.

Cet article propose une analyse pragmatique des leviers d’action à la disposition des administrateurs et élus municipaux. Nous explorerons comment la baisse d’achalandage force une réinvention, comment des mécanismes comme la captation de la plus-value foncière peuvent financer des projets structurants, et comment l’optimisation opérationnelle peut transformer une contrainte budgétaire en opportunité de modernisation. Ce guide est conçu pour équiper les décideurs des arguments et des stratégies nécessaires pour piloter leurs réseaux dans cette nouvelle ère.

Pour vous guider à travers ces enjeux complexes, cet article est structuré autour de huit axes stratégiques. Chacun aborde un défi spécifique et propose des pistes de solutions concrètes pour assurer un avenir viable et performant au transport collectif québécois.

Pourquoi la baisse de l’achalandage post-COVID menace-t-elle la survie de votre réseau ?

La reprise partielle de l’achalandage post-pandémique masque une réalité financière périlleuse pour les sociétés de transport. Le modèle économique, historiquement dépendant des revenus tarifaires, a été profondément déstabilisé. Même avec une remontée encourageante, comme en témoigne la hausse de 9% de l’achalandage à la STM en 2024, l’équation budgétaire ne fonctionne plus. Les niveaux d’avant 2020 ne sont pas atteints, alors que les coûts d’exploitation, eux, continuent d’augmenter. Cette décorrélation entre la fréquentation et l’équilibre financier crée une pression insoutenable sur les budgets municipaux et les quotes-parts.

Le danger principal réside dans l’enclenchement d’une spirale négative, un cercle vicieux bien connu des économistes du transport. Pour combler les déficits, la première tentation est de réduire l’offre de service : moins de fréquence, des lignes coupées, des plages horaires réduites. Or, une offre dégradée rend le service moins attractif, ce qui pousse davantage d’usagers, notamment les occasionnels, à se tourner vers d’autres modes de transport. Cette baisse de clientèle entraîne une nouvelle diminution des revenus, forçant à de nouvelles coupes budgétaires. C’est exactement le risque souligné par Éric Alan Caldwell de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui expliquait dans une entrevue au Devoir :

On dégrade l’offre de services, on a moins de clients, on a moins de revenus, on tire le service vers le bas.

– Éric Alan Caldwell, Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Ce mécanisme, s’il n’est pas enrayé, peut mener à une marginalisation progressive du transport collectif. Il ne serait plus perçu comme une alternative crédible à l’automobile, mais comme un service résiduel pour une clientèle captive. Pour un administrateur public, l’enjeu est donc double : il faut non seulement trouver des financements d’urgence pour maintenir le service à flot, mais surtout briser cette dynamique en repensant les fondements de la valeur et de l’attractivité du réseau.

Comment la captation de la plus-value foncière peut-elle payer votre nouveau tramway ?

Face à l’érosion des revenus tarifaires, la diversification des sources de financement devient une nécessité stratégique. L’une des approches les plus prometteuses, bien que complexe à mettre en œuvre politiquement, est la captation de la plus-value foncière. Le principe est simple : la création ou l’amélioration d’une infrastructure de transport collectif structurante (métro, tramway, SRB) augmente mécaniquement la valeur des terrains et des propriétés avoisinantes. La captation consiste à rediriger une partie de cette nouvelle richesse, créée par un investissement public, vers le financement de ce même investissement.

Cette approche permet de créer un cercle vertueux de financement, rendant les grands projets moins dépendants des subventions directes et des revenus tarifaires fluctuants. Plutôt que de voir les promoteurs immobiliers être les seuls bénéficiaires de la valorisation du foncier, la collectivité récupère une juste part de la valeur qu’elle a contribué à générer. Au Québec, le débat sur la contribution des automobilistes est récurrent, mais leur part dans le financement reste faible et stable depuis des décennies. Le tableau suivant, basé sur des données de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), illustre bien la pression qui s’exerce sur les municipalités et le gouvernement provincial.

Le tableau comparatif issu de l’analyse de la CMM sur les sources de financement du transport collectif met en lumière la dépendance croissante aux fonds publics et municipaux.

Comparaison des sources de financement du transport collectif au Québec
Source de financement Part en 2019 Part après pandémie Impact
Revenus tarifaires (usagers) 31% Baisse de 52% Perte majeure de revenus
Municipalités 30% (limite ARTM) Pression accrue Augmentation des quotes-parts
Gouvernement du Québec 31% (fixé ARTM) 48% en 2023 Augmentation significative
Automobilistes 5% 5% Stable depuis 1992

L’intégration d’un projet de transport structurant transforme le paysage urbain et crée des opportunités de développement considérables, comme l’illustre l’image ci-dessous. C’est cette transformation qui justifie économiquement la captation de valeur.

Développement immobilier autour d'une station de transport collectif illustrant le concept de captation de la plus-value foncière

Pour un élu ou un administrateur, défendre un tel mécanisme demande un courage politique certain, mais il représente une des seules voies vers une autonomie financière accrue des sociétés de transport. Il s’agit de présenter la captation non pas comme une nouvelle taxe, mais comme un juste retour sur investissement pour la collectivité, garantissant la pérennité et l’expansion des services qui profitent à tous.

Autobus électriques ou tramway : quel mode structurant pour une ville de 200 000 habitants ?

L’arbitrage entre différents modes de transport structurants est l’une des décisions les plus lourdes de conséquences pour un conseil municipal ou une société de transport. Pour une ville de taille moyenne, typiquement autour de 200 000 habitants, le choix se résume souvent à un duel : l’autobus électrique (en service rapide par bus – SRB) ou le tramway. Cette décision ne peut se baser uniquement sur les coûts d’investissement initiaux, qui favorisent souvent l’autobus. Une analyse de coût complet sur le cycle de vie est impérative.

L’autobus électrique bénéficie d’un avantage majeur au Québec : le faible coût de l’énergie. Avec des tarifs d’hydroélectricité parmi les plus bas d’Amérique du Nord, l’électrification d’une flotte d’autobus permet de réaliser des économies d’exploitation significatives par rapport aux véhicules diesel. De plus, sa flexibilité est un atout : les trajets peuvent être modifiés plus facilement pour s’adapter à l’évolution de la ville. Cependant, sa capacité reste limitée et sur des axes très achalandés, il peut être nécessaire de faire circuler un grand nombre de véhicules, augmentant les coûts de main-d’œuvre et la congestion.

Le tramway, quant à lui, représente un investissement initial beaucoup plus élevé en raison de l’infrastructure fixe (rails, caténaires). Cependant, son avantage se révèle sur le long terme et sur les corridors à forte demande. Comme le souligne Pierre-Léo Bourbonnais, chercheur en transport collectif, l’argument est mathématique. Dans une analyse pour La Presse, il explique :

Sur un horizon de 20 à 30 ans, lorsqu’on doit déplacer entre 1000 et 5000 passagers par heure par direction aux heures de pointe, le tramway revient moins cher que l’autobus. Mathématiquement, il n’y a aucune discussion à avoir.

– Pierre-Léo Bourbonnais, Chercheur en transport collectif

Un tramway peut transporter l’équivalent de trois ou quatre autobus articulés avec un seul conducteur, générant des économies d’échelle massives en coûts de personnel. De plus, son insertion en site propre garantit une régularité et une rapidité que même un SRB peine à égaler, ce qui en fait un levier puissant pour le report modal de l’automobile. L’électrification, qu’elle concerne les bus ou les tramways, implique une planification rigoureuse, comme le montre le plan d’action du RTC à Québec.

Plan d’action : Les étapes clés de l’électrification d’un parc d’autobus

  1. Location et essai de véhicules électriques sur le réseau (2023-2025) pour tester les technologies de recharge et leur performance en conditions réelles.
  2. Collaboration stratégique avec Hydro-Québec pour planifier et réaliser le rehaussement des entrées électriques des centres d’exploitation.
  3. Révision complète de la configuration opérationnelle (horaires, assignations) pour s’adapter aux contraintes d’autonomie et de recharge des autobus 100% électriques.
  4. Intégration progressive et planifiée des autobus électriques dans le parc actif à partir de 2026, en remplacement des véhicules en fin de vie.

L’erreur de tarification complexe qui fait fuir les usagers occasionnels

Dans la quête de revenus, les sociétés de transport ont souvent multiplié les titres et les grilles tarifaires : tarifs réduits, abonnements mensuels, carnets de billets, tarifs de groupe, laissez-passer de soirée… Si l’intention est de s’adapter à chaque type de clientèle, le résultat est souvent une complexité qui crée une barrière à l’entrée, surtout pour l’usager occasionnel ou le touriste. Face à un distributeur automatique offrant une douzaine d’options, un automobiliste habitué à la simplicité du paiement par carte à la pompe peut être découragé avant même d’avoir validé son choix.

Ce phénomène, connu en économie comportementale sous le nom de « paralyse de l’analyse », a un coût direct sur les revenus. Chaque usager potentiel qui renonce à prendre le bus ou le métro à cause d’une tarification perçue comme un casse-tête est une perte de revenu nette. La pandémie a d’ailleurs cruellement mis en évidence la fragilité des revenus tarifaires; l’ARTM estimait que le manque à gagner pourrait atteindre le milliard de dollars sur trois ans (2020-2022) pour la région métropolitaine, une chute drastique qui force à reconsidérer chaque aspect de la génération de revenus.

La solution réside dans une simplification radicale et l’adoption de technologies de paiement ouvert (open payment). L’idéal est un système où l’usager n’a plus à réfléchir : il valide son trajet avec sa carte de crédit sans contact, son téléphone ou sa montre intelligente. Le système calcule en fin de journée ou de mois le meilleur tarif possible pour lui en fonction de son usage réel. Un usager occasionnel qui effectue trois trajets dans la même journée se verra automatiquement appliquer le tarif d’un laissez-passer journalier si celui-ci est plus avantageux. Cette approche élimine toute la friction transactionnelle et garantit à l’usager qu’il paie toujours le juste prix, sans avoir à devenir un expert de la grille tarifaire.

L’enjeu pour les administrateurs est de voir la tarification non plus comme un simple outil de collecte de revenus, mais comme un élément central de l’expérience client et un levier de compétitivité face à l’automobile. En rendant le paiement aussi simple et transparent que possible, on abaisse significativement la barrière psychologique à l’utilisation du transport collectif, ce qui est essentiel pour reconquérir une clientèle volatile et augmenter les revenus issus des déplacements spontanés.

Quand redessiner le réseau de bus pour s’adapter aux nouveaux pôles de télétravail ?

La pandémie de COVID-19 n’a pas seulement réduit l’achalandage global, elle a surtout reconfiguré en profondeur la géographie des déplacements. Le modèle traditionnel, avec ses lignes radiales convergeant massivement vers un hypercentre aux heures de pointe, ne correspond plus à la réalité d’une part croissante de la population. Avec l’ancrage du télétravail partiel (2-3 jours par semaine), les déplacements sont devenus plus locaux, plus éclatés dans le temps et l’espace. On observe une augmentation des trajets de banlieue à banlieue et des déplacements de proximité en milieu de journée.

Maintenir un réseau conçu pour le monde de 2019 est une aberration économique et opérationnelle. Cela revient à faire rouler des bus à moitié vides sur des lignes express aux heures de pointe, tout en manquant de service sur de nouveaux axes de demande. Une étude de l’Université McGill a montré qu’en 2023, même si l’achalandage de la STM se situait à près de 80% du niveau prépandémique, la répartition de cette fréquentation avait changé. Le moment est donc venu d’engager une refonte courageuse des réseaux.

Cette refonte doit s’appuyer sur une analyse fine des nouvelles données de mobilité. Il s’agit d’identifier les nouveaux pôles d’emploi en périphérie, les zones résidentielles où la demande de service local a augmenté et les corridors inter-banlieues qui justifient désormais une offre plus robuste. La stratégie consiste à :

  • Renforcer les lignes orbitales : Créer ou améliorer les lignes qui connectent les banlieues entre elles sans passer par le centre-ville.
  • Développer le service local : Augmenter la fréquence des bus de quartier pour les déplacements courts (courses, loisirs, rendez-vous).
  • Adapter la fréquence à la nouvelle demande : Réduire la surcapacité sur certaines lignes express aux heures de pointe pour réallouer ces ressources vers les midis ou les fins de semaine, où la demande est proportionnellement plus forte qu’avant.
Réseau d'autobus redessiné avec lignes orbitales reliant les banlieues entre elles

Pour un administrateur, cette démarche n’est pas une simple coupe, mais une réallocation stratégique des heures-service. L’objectif n’est pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux, en faisant correspondre l’offre à la demande réelle d’aujourd’hui. C’est un projet politiquement délicat, car toute modification de trajet crée des mécontents, mais il est indispensable pour optimiser l’efficacité du réseau, améliorer la satisfaction des usagers et, in fine, réduire le déficit d’exploitation par passager transporté.

Pourquoi le paiement unique est-il le Saint Graal pour convaincre l’automobiliste de lâcher son volant ?

Pour l’automobiliste, l’un des principaux avantages de sa voiture est la simplicité transactionnelle. Une fois le véhicule et l’assurance payés, chaque trajet semble « gratuit » et ne demande aucune planification de paiement. Pour que le transport collectif devienne une alternative crédible, il doit tendre vers une expérience aussi fluide. C’est là que le concept de paiement unique et intégré devient un enjeu stratégique majeur, bien au-delà d’une simple question de technologie.

Le « paiement unique » vise à éliminer toutes les frictions liées à l’achat de titres. L’usager devrait pouvoir se déplacer sur l’ensemble des réseaux (bus, métro, train de banlieue, vélo-partage, etc.) d’une région métropolitaine avec un seul compte, une seule carte ou une seule application, sans jamais se demander si son titre est valide sur le prochain segment de son trajet. Cette interopérabilité tarifaire est la pierre angulaire d’une expérience de mobilité unifiée. Elle transforme un patchwork de services concurrents en un système cohérent et facile à utiliser.

L’absence de cette simplicité est un puissant dissuasif. Si un usager doit acheter un billet pour le bus municipal, puis un autre pour le train régional, il est fort probable qu’il choisisse la facilité de sa voiture, même si le coût total est supérieur. L’enjeu est donc de faire passer la perspective de l’opérateur (gérer ses propres revenus) à celle de l’usager (se déplacer simplement d’un point A à un point B). Comme le rappelle Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec, l’attractivité du service est intrinsèquement liée à son financement et à sa pérennité.

Si les sociétés de transport ne reçoivent pas de soutien financier pour les opérations, nous subirons tous les conséquences d’une diminution de l’offre de ce service.

– Sarah V. Doyon, Directrice générale de Trajectoire Québec

Le paiement unique n’est pas seulement une commodité ; c’est une déclaration stratégique. Il envoie le signal que le transport collectif est un système intégré et compétitif, pensé pour l’usager. Sa mise en place est un défi technique et politique (répartition des revenus entre opérateurs), mais le retour sur investissement en termes d’attractivité et d’achalandage est potentiellement immense. C’est l’un des leviers les plus puissants pour initier le report modal chez les automobilistes les plus réticents.

Comment optimiser les trajets d’autobus régionaux pour réduire le déficit d’exploitation ?

Les lignes d’autobus régionales, qui relient les différentes couronnes d’une métropole ou les villes d’une même région, sont souvent celles qui affichent les déficits d’exploitation les plus élevés. Avec de longues distances à parcourir et une densité de population plus faible, leur taux de recouvrement des coûts par les revenus tarifaires est structurellement bas. Dans le contexte budgétaire actuel, l’optimisation de ces trajets n’est pas une option, mais une condition de survie pour maintenir un service essentiel de mobilité interurbaine.

L’optimisation ne signifie pas nécessairement des coupes de service. Elle passe avant tout par une analyse chirurgicale de la performance de chaque trajet. Il s’agit d’utiliser les données de validation et de géolocalisation pour identifier les segments de lignes et les plages horaires les moins performants. Plusieurs stratégies peuvent alors être déployées :

  • Le transport à la demande : Sur les lignes à très faible achalandage ou en dehors des heures de pointe, remplacer un autobus de 40 pieds qui circule à vide par un système de minibus ou de taxis collectifs sur réservation. Cette solution permet de maintenir un service tout en réduisant drastiquement les coûts opérationnels.
  • La consolidation des arrêts : Sur de longs trajets, un nombre excessif d’arrêts peut considérablement ralentir la vitesse commerciale et décourager les usagers effectuant le trajet complet. Éliminer les arrêts les moins fréquentés peut rendre la ligne plus rapide et plus attractive, quitte à mettre en place des solutions de rabattement local.
  • La synchronisation des correspondances : Assurer une coordination parfaite des horaires entre les lignes régionales et les réseaux urbains ou les trains de banlieue. Une correspondance ratée de quelques minutes est une source de frustration majeure et une cause d’abandon du service.

Ces mesures d’optimisation s’inscrivent dans une discipline budgétaire plus large. Par exemple, la STM s’est engagée à plafonner la croissance de ses dépenses. De même, le gouvernement du Québec a dû intervenir massivement pour éponger les déficits durant la crise. Selon une annonce du ministère des Transports, 2,1 milliards de dollars ont été versés en aide d’urgence, une situation qui n’est pas soutenable à long terme. L’optimisation des dépenses devient donc un impératif pour garantir l’autonomie future des réseaux.

À retenir

  • La crise actuelle n’est pas conjoncturelle mais structurelle, exigeant un changement de paradigme au-delà des subventions.
  • La solution est double : activer de nouveaux leviers de financement (captation foncière) et optimiser l’existant (refonte des réseaux, simplification tarifaire).
  • L’avenir du transport collectif performant réside dans l’intégration complète des services via une plateforme unifiée (MaaS).

Mobilité servicielle (MaaS) : comment unifier tous les transports en une seule application ?

Toutes les stratégies d’optimisation abordées jusqu’ici – simplification tarifaire, refonte du réseau, interopérabilité – convergent vers un concept intégrateur : la Mobilité en tant que Service (MaaS). Le MaaS représente la vision ultime d’un système de transport centré sur l’usager. Son objectif est d’unifier tous les modes de transport disponibles (transport public, vélo-partage, autopartage, trottinettes, VTC, etc.) au sein d’une seule et même plateforme numérique. L’usager n’achète plus un titre de transport, il planifie, réserve et paie un trajet complet de porte à porte, l’application se chargeant de combiner les modes les plus pertinents.

Pour un administrateur public, le MaaS est l’outil qui permet de concrétiser la promesse d’une alternative fluide et efficace à la voiture individuelle. Il transforme une offre fragmentée en un service unique et cohérent. Au lieu de voir l’autopartage ou le vélo-partage comme des concurrents, le MaaS les intègre comme des solutions de premier et dernier kilomètre, renforçant ainsi l’attractivité du réseau de transport collectif structurant. Cette intégration est la clé pour résoudre l’un des principaux freins à l’utilisation des transports en commun : la complexité des trajets impliquant des correspondances entre différents opérateurs ou modes.

L’évolution du financement au Québec, marquée par une dépendance croissante aux fonds publics et municipaux depuis les années 1990, souligne la nécessité de trouver des modèles plus résilients. Le MaaS, en stimulant l’achalandage global et en permettant des modèles d’abonnement flexibles incluant plusieurs services, peut ouvrir la voie à de nouvelles sources de revenus.

Le tableau ci-dessous, basé sur les données de Transit Québec, montre la mutation historique du financement, justifiant la recherche de nouveaux modèles comme ceux que le MaaS peut habiliter.

Évolution du financement du transport collectif au Québec
Période Part Gouvernement Québec Part Usagers Part Municipalités
Avant 1992 40% 35% 25%
Années 1990 Diminution majeure Augmentation Efforts supplémentaires requis
2009 (STM) Variable 46,3% 32,5% (plus élevée au Canada)
2023 48% Baisse importante Pression accrue

La mise en place d’une plateforme MaaS est un projet de longue haleine qui exige une collaboration sans précédent entre l’autorité organisatrice de la mobilité (comme l’ARTM), les sociétés de transport et les opérateurs privés. Cependant, c’est en visant cette intégration ultime que l’on peut véritablement offrir une expérience utilisateur supérieure et assurer la compétitivité du transport collectif pour les décennies à venir.

L’heure n’est plus au diagnostic, mais à l’arbitrage stratégique. Pour les administrateurs et élus, l’étape suivante consiste à évaluer dès maintenant quels leviers d’optimisation et de financement sont les plus pertinents et réalisables pour leur réseau spécifique, afin de bâtir un plan d’action concret pour les années à venir.

Questions fréquentes sur Financement et gestion des réseaux de transport public

Pourquoi le financement du transport collectif est-il en crise?

Les effets combinés de la pandémie de COVID-19, qui ont provoqué une baisse durable de l’achalandage et donc des revenus tarifaires, et d’une hausse généralisée des coûts d’exploitation (énergie, main-d’œuvre), ont créé une situation financière exceptionnelle et un déficit structurel difficile à combler avec les modèles de financement traditionnels.

Quelle est la nouvelle stratégie de financement 2025-2028?

Pour la région métropolitaine de Montréal, les élus de la CMM et le gouvernement du Québec ont convenu d’une nouvelle stratégie qui inclut une aide financière ponctuelle de 776,2 millions de dollars. Cette entente vise à couvrir les déficits à court terme tout en engageant les sociétés de transport dans une démarche d’optimisation de leurs dépenses.

Comment sera répartie la contribution des automobilistes?

Dans le cadre des nouvelles ententes, notamment dans la région de Montréal, il est prévu que la moitié des revenus perçus auprès des automobilistes (par exemple, via la taxe sur l’immatriculation) soit utilisée pour le financement métropolitain des transports collectifs, tandis que l’autre moitié sera réinvestie pour soutenir les priorités de transport de chaque secteur ou municipalité.

Rédigé par Valérie Gagnon, Urbaniste émérite (OUQ) et consultante en mobilité durable, spécialisée dans le transport collectif et la logistique du dernier kilomètre. Elle possède 15 ans d'expérience en planification urbaine et régionale.